La tradition artisanale finlandaise est, depuis des temps très reculés, profondément
marquée par la production textiles dont les techniques anciennes se sont perpétuées jusqu'à nos jours. La
plupart des textiles étaient confectionnés au foyer, les tisserands professionnels se chargeant des pièces
luxueuses. Les objets les plus représentatifs de la tradition populaire sont les tapis, plus particulièrement les
tapis couvre-lits tissés, dont les plus anciens sont ornés de motifs simples. Parmi les plus célèbres, on trouve
les ranors rayés qui proviennent de Laponie et du nord-est de la Botnie. Les tissages finlandais
traditionnels comprennent en outre des tapisseries imagées, des tapis muraux réalisés selon la technique de la
double-étoffe façonnée et enfin les célèbres tapis-couvertures à poil long rya, qui sont aujourd'hui le
symbole de l'artisanat de ce pays.
Les plus anciens tapis rya finlandais proviennent des régions côtières et des archipels. Unis ou sobrement décorés
de figures géométriques simples, ils étaient constitués d'un tissu avec une chaîne de lin et une trame de laine sur
laquelle on nouait de longues mèches de laine ou même des lanières de cuir. Ils acquéraient ainsi les qualités
isolantes de la fourrure, qu'ils imitaient, et servaient de couverture aux chasseurs de phoques, aux marins et
aux soldats. On les utilisait également comme couvre-lits.
A partir du 17ème siècle, la fonction des tapis-couvertures rya est devenue de plus en plus décorative, tandis que
les poils, originellement placés vers l'intérieur, sont apparus aussi sur l'autre face. Après que toute fonction
utilitaire a été définitivement abandonnée, ils sont devenus des tapis d'ornement à velours extérieur. Les meilleurs
exemples en sont les rya des 18ème et 19ème siècles, aux décors riches et vivement colorés, qui demeurent l'un des
points culminants de l'art nordique.
Les somptueuses "broderies caréliques" d'inspiration byzantine, qui ont pénétré en Finlande avec la religion
gréco-ortodoxe, constituent une autre facette de la tradition textile. Les motifs géométriques au point de croix
de ces ouvrages de genre Holbein ont servi à décorer nappes, coiffes et tabliers. Sur la côte occidentale, on a
produit des dentelles appelés Raumo, assez proches des dentelles d'Europe centrale.
Au 19ème siècle, les anciennes techniques se voient évincées par les nouveaux produits industriels bon marché. En
1879, s'inspirant de ce qui se faisait dans d'autres pays, Fanny Churberg, artiste finlandaise, fonde une société
ayant pour but la préservation de la tradition textile locale. Cette initiative joue un rôle déterminant pour le
développement de la nouvelle industrie textile du pays. A l'Exposition universelle de 1900 à Paris, la couverture
rya intitulée "La lueur", créée sur un carton d'Akseli Gallen-Kallela et décorée de motifs asymétriques de style
Art nouveau, connaît un grand succès ; elle est considérée comme le premier chef-d'oeuvre de l'art textile moderne
finlandais. Entre 1950 et 1960, Uhra Simberg-Ehrström et Eva Brummer renouvellent entièrement le caractère des rya,
avec des oeuvres aux coloris surprenants et raffinés qui ont rendu cet artisanat célèbre dans le monde entier. Parmi
les exemples les plus intéressants de ces dernières années, on peut citer les rya en relief d'Irma Kukkasjärvi et les
oeuvres tridimensionnelles de Maija Lavonen.
Mas, durant les dernières décénnies, la Finlande a surtout tenu un rôle important en ce qui concerne l'art textile
industriel. Il faut noter le rôle prépondérant que joue, depuis 1951, l'entreprise Marimekko avec ses fameux imprimés.
Source : « Autour du fil, l’encyclopédie des arts textiles », Editions Fogdtal, Paris, 1990, volume 10.