La broderie des camps palestiniens au Liban

La broderie palestinienne a toujours été utilisée pour décorer les costumes, les robes, voiles et coiffes ornées de pièces de monnaie. Avant le partage de la Palestine en 1948, 80 % de la population palestinienne était rurale et vivait dans plus de 800 villages le long de la plaine côtière sur la Méditerranée à l'Ouest et sur les collines qui descendent jusqu'à la Mer de Galilée et du Jourdain à l'Est. Le reste de la population vivait dans les villes dont les plus importantes étaient Jérusalem, Jaffa, Haïfa, Hébron, Naplouse, Gaza, Lydda, Ramleh, Nazareth et Tibériade. Dans ce milieu urbain, une variété de métiers citadins était l'apanage des classes moyennes éduquées. Les costumes citadins étaient influencés par la tradition vestimentaire turque et européenne et n'étaient pas brodés comme les costumes villageois.

Les villageoises de Palestine avaient des tâches dures aux champs autant qu'à domicile et, en général, de nombreux enfants à élever. Mais elles trouvaient toujours le moyen d'avoir le temps de broder. Lorsque la broderie d'une paysanne était bien exécutée et incluait des motifs intéressants, son statut et prestige parmi les femmes du village s'amélioraient.

Ainsi, la broderie était appréciée en tant que signe de richesse, à cause des soies qui étaient coûteuses et aussi pour des raisons esthétiques. Les techniques et critères esthétiques qui s'appliquaient à l'art de la broderie étaient enseignés aux filles dès leur jeune âge. Aussitôt qu'une jeune fille était d'âge à tenir une aiguille, quelque fois à partir de 6 ou 7 ans, on lui confiait un bout de tissu et des fils puis sa mère et ses soeurs lui apprenaient l'art de faire un point de croix net et clair et de composer les motifs de broderie typique du village.

Les premiers articles qu'une jeune fille brodait entièrement étaient habituellement les costumes de son trousseau de mariage. Les femmes attribuaient une grande importance à leur trousseau qui était source d'une immense fierté. Celui-ci comprenait plusieurs robes et voiles et était présenté aux femmes du village une fois prêt. Après leur mariage, les femmes continuaient à broder de nouvelles robes pour remplacer les usées ou celles qui s'étaient démodées parce que la mode villageoise changeait constamment comme à la ville.

Pour l'usage quotidien dans le village et ses alentours, le port des robes simples avec une broderie légère suffisait. Les robes richement brodées étaient réservées pour les occasions spéciales comme les sorties au marché hebdomadaire où on achetait et vendait les produits agricoles, pour les célébrations de mariages, les festivités religieuses ou pour les pèlerinages annuels aux saints et marabouts locaux. A ces occasions-là, chaque femme revêtait sa plus belle robe, les motifs révélant ses origines, la fortune de son mari ou de son père (parce que c'est eux qui payaient la soie) et son goût personnel et la mesure de son art.

A la suite des événements de 1948 et de 1967, des centaines de milliers de Palestiniens durent quitter leur village et devinrent des réfugiés dans les pays limitrophes. Plusieurs de ces villages n'existent plus aujourd'hui. Plus de 400 furent détruits en 1948 à la suite de la création de l'Etat d'Israël. La majorité du peuple palestinien vit depuis dans des camps de réfugiés à Gaza, en Cisjordanie et dans les pays limitrophes, au Liban, en Syrie et en Jordanie. Les autres appartiennent à la diaspora palestinienne qui s'étend jusqu'au Golf, en Afrique, en Europe et en Amérique.

Toutefois, même après des décades de dispersion, l'origine de chaque individu appartenant à un village ou une ville en Palestine constitue un élément majeur de son identité sociale et c'est par le costume des femmes que cette identité s'exprime.

La place de la broderie dans la vie des femmes palestiniennes n'a pas complètement disparue bien qu'elle ait été modifiée. Les femmes villageoises qui sont restées en Israël ne brodent plus tellement leurs costumes, mais beaucoup parmi celles qui vivent dans leurs villages en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et surtout parmi les femmes villageoises habitant aujourd'hui les camps des réfugiées dans les territoires occupés et en Jordanie, brodent leur trousseau de mariage. Elles continuent ainsi à les porter dans leur vie de tous les jours.

Un des changements majeur est qu'un plus grand nombre de femmes brodent aujourd'hui pour subsister. Il y a de même un certain nombre de projets de développement au Liban, en Jordanie et dans les Territoires Occupés qui vendent les articles brodés par les femmes palestiniennes, ce qui consiste un revenu important pour une main d'oeuvre féminine qui vivait généralement dans des conditions économiques et sociales très difficiles. Le premier marché pour ces articles brodés est constitué par les communautés de la diaspora palestinienne qui vivent loin de leur terre natale et qui aiment enrichir leur intérieur d'un objet appartenant à leur héritage culturel.

Une grille gratuite