Le fil

Brin long et fin de matière textile, à section généralement cylindrique. On distingue les fils continus, composés de fibres longues, comme la soie, des fils discontinus, constitués de fibres courtes.

La technique du filage est connue depuis la plus haute antiquité : on a retrouvé des bobines de fil en Suisse, dans des tombes néolithiques datant de 4 000 à 3 000 ans avant JC. D’abord exécuté au fuseau puis, à partir du XIVème siècle, avec un rouet, le filage entre dans l’ère industrielle à la fin du XVIIIème siècle avec l’invention de la machine à filer Spinning Jenny par l’Anglais James Hargreaves. Dès lors, l’ensemble des opérations qui transforment les matières textiles en fil seront désignées par le terme de filature. La marque de fil la plus célèbre est celle de la firme Dolfuss-Mieg & Co. - plus connue sous le sigle de DMC -, créée à Mulhouse en 1746. Cette maison fut la première à confectionner, après de nombreuses expériences, un fil à coudre en coton mercerisé, c’est-à-dire traité pour lui donner une grande résistance et un brillant soyeux.

Aujourd’hui, selon les matières employées, le degré de torsion, les apprêts appliqués, ainsi que, pour les fils chimiques, la grosseur ou la forme des filières, on peut fabriquer une très grande variété de fils répondant aux besoins les plus variés.

La filature. Toutes les matières naturelles, la soie mise à part, subissent des opérations d’épuration et de parallélisation avant la filature. C’est la longueur des fibres qui détermine le procédé à mettre en oeuvre : le coton et la laine cardée à fibres très courtes seront filés différemment du lin ou de la laine peignée.

Le coton - Une fois sorti des grilles du dépoussiéreur, le coton passe entre les cylindres du batteur d’où il ressort en nappe régulière. Il entre ensuite dans la carde qui en fait un ruban aux fibres parallèles. Après avoir été étiré, ce qui lui confère une plus grande régularité, le ruban passe au banc à broches sur lequel sont effectuées trois opérations : un nouvel étirage, une légère torsion puis un envidage de la mèche obtenue sur une bobine. Enfin, le coton arrive sur le métier à filer où la mèche est encore étirée et reçoit une torsion plus ou moins forte suivant l’usage auquel le fil est destiné.

La laine - Après lavage et ensimage, la laine passe à la carde, d’où elle ressort sous la forme d’un ruban moelleux mais encore irrégulier : défeutrage, étirage et doublage vont le régulariser. Passant alors sur la peigneuse, les rubans sont débarrassés des fibres courtes, ou blousses, qui rejoindront le cycle de la laine cardée. Le ruban de laine peignée, étiré et humidifié, devient alors la mèche qui, après avoir subi les opérations du filage proprement dit, sera transformée en un fil aux fibres définitivement fixées les unes par rapport aux autres.

La soie - la filature de la soie est particulière. Le cocon est constitué d’un fil continu qu’il faut d’abord dévider. Les soies de plusieurs cocons, assemblées et soudées ensemble par le grès, formeront un premier fil sans torsion. Le moulinage donne ensuite au fil une torsion et un apprêt. Ce fil grège sera doublé et subira des torsions diverses selon l’usage auquel on le destine. Puis il sera éventuellement décreusé, c’est-à-dire débarrassé du grès. Les fibres de soie de qualité moindre - bourre, schappe et soies sauvages - sont cardées, peignées et filées comme des fibres discontinues, prenant le nom de « filé de soie ».

Le lin - Pendant longtemps, le lin fut teillé (c’est-à-dire broyé pour casser les parties ligneuses) et peigné à la main ou avec des moyens mécaniques rudimentaires. Ces opérations sont aujourd’hui effectuées sur une machine qui fend les filaments longitudinalement et les peigne. Les brins longs sont ensuite filés soit à sec, en passant dans des cylindres étireurs et sur une ailette qui leur imprime une torsion ; soit au mouillé, en traversant un bain d’eau chaude avant d’être entraînés par les cylindres. Ces derniers fils sont plus fins et plus réguliers que les premiers, qui sont plus duveteux et plus solides.

Les fibres chimiques - La filature des fibres chimiques consiste à transformer la masse liquide en fil. Le filage se fait par le passage de la matière à travers les trous des filières dont la forme et le diamètre varient, le plus fin ne mesurant que quelques centièmes de millimètres. Les fils continus sont appelés monobrins ou crins en fonction de leur épaisseur ; les monobrins - ou monofilaments - fins sont utilisés en bonneterie et tissage, le crin pour la pêche, la brosserie et la sparterie. Plusieurs brins peuvent être assemblés pour plus de régularité et former alors un multibrin. Mais les fils chimiques continus sont le plus souvent fractionnés et battus pour former le filé de fibre qui entre surtout dans la composition des mélanges.

La torsion et la numérotation - La torsion à laquelle on soumet les brins a pour but de disposer les fibres de telle sorte que la qualité du fil, et surtout sa solidité, en soient améliorées. Plus un fil est tordu, plus il est solide. Cette torsion peut être donnée de droite à gauche ou de gauche à droite. La retorsion a pour but d’assembler des fils simples et de très nombreuses combinaisons sont possibles.

La numérotation d’un fil indique la finesse du ou des fils simples qui le composent ainsi que leur nombre. Par exemple, Nm 28/2 signifie que le fil est retors, composé de deux fils simples ; 28 est le numéro métrique de chacun des fils simples et il représente le nombre de kilomètres de fil par kilo de matière. Cependant, le numérotage des fils est aujourd’hui de plus en plus fréquemment remplacé par le titrage selon le système international tex : le titre indique le poids en grammes de 1 000 mètres de fil.

Les fils - Pour la couture, les principaux fils vendus sont le coton mercerisé retors, le simili brillant le coton câblé, le fil et le cordonnet de soie, ainsi que les fils en polyester. Le fil « au chinois » est un fil triple particulièrement solide, utilisé surtout pour coudre les boutons ; en lin à l’origine, on le trouve aujourd’hui en différentes matières. Il tire son nom du logotype d’une firme française qui représente la silhouette d’un Chinois.

Pour la broderie, on utilise les fils retors à cinq brins, mats et duveteux, le coton à broder non dédoublable à quatre brins, le coton mouliné brillant (ou brillanté d’Alger) à six brins déboublables - vendu dans plus de 900 coloris -, le coton perlé brillant, la laine à broder, le lin à forte torsion, la luxueuse soie d’Alger, ou soie floche, le fil de viscose, ainsi que les fils métalliques ou métallo-plastiques. Il en existe beaucoup d’autres destinés aux broderies de luxe.

En tricot comme en bonneterie, on emploie de nombreuses sortes de fils désignés sous la dénomination générale de fils de fantaisie. On en distingue deux types principaux : ceux qui sont constitués d’une même matière mais qui présentent un mélange de couleurs (fils chinés, flammés) ou une torsion différenciée des brins simples (fil bouclette), et ceux qui sont constitués de deux matières différentes (coton et laine, âme de coton et « trait » de métal). A partir de ces procédés de base assez simples - filature, mélange de matières et de coloris -, on fabrique une variété presque infinie de fils dont on se sert pour obtenir des motifs structurés dans les ouvrages tricotés ou tissés.

Ces catégories ne répondent pas toujours à des appellations rigoureusement définies, et plusieurs noms sont souvent employés pour désigner un même fil. Parmi les fils de fantaisie les plus complexes, on trouve ceux composés d’au moins trois fils simples, dont un fil de fond, un fil d’effet et un fil de liage ; au moins un de ces fils est filé par à-coups. La famille des fils bouclés est la plus importante : leur caractéristique principale est que le fil d’effet s’enroule en S autour des autres fils, créant des boucles régulières. On peut également citer le fil noué, fabriqué en immobilisant à intervalles réguliers le brin de fond tandis que le fil d’effet continue sa rotation à plus ou moins grande vitesse, et le flammé, obtenu en tordant plusieurs fils de différentes couleurs, de telle sorte que chaque fil recouvre alternativement les deux autres.

Fils tubulaires et fils chenille ne sont pas des fils au sens habituel du terme ; le premier est une bande de tricot circulaire aplatie, le second est tissé selon la technique du velours. Les fils texturés sont des fils continus synthétiques soumis, au moment du filage ou ultérieurement, à des procédés qui en modifient les propriétés physiques, par exemple frisage Ban-lon, bouclage Taslan, gondolement Agilon.

Un nouveau procédé de filature par turbine, appelé open-end tend à révolutionner la fabrication dans la gamme des gros fils cardés, à partir de toutes sortes de matières naturelles et synthétiques. Cet appareil fonctionne pratiquement sans personnel.

Source : « Autour du Fil, l’encyclopédie des arts textiles », Editions Fogtdal, Paris, 1990, volume 10.