Manteau de laine feutré avec appliqué inversé. Oeuvre contemporaine de l'Américaine Jean Willians Cacicedo.

Le feutre

Etoffe non tissée, confectionnée directement à base de fibres animales – essentiellement la laine de mouton – et dont la cohésion est obtenue grâce à la capacité des fibres de s’accrocher les unes aux autres sous l’influence de l’humidité, de la pression, du frottement et de certains produits chimiques.

Le feutrage est probablement la plus ancienne manière de travailler la laine : il est connu depuis 3 000 ans au moins. Dans la chaîne des monts Altaï, entre l’Union soviétique, la Chine et la Mongolie, on a découvert en 1947 un ensemble de textiles scythes datant au Vème au IIIème siècle avant notre ère, enfouis dans huit chambres funéraires. Parmi ces vénérables trésors textiles – dont la célèbre tapisserie de Pazyryk -, se trouvait une tenture en application de feutre, décorée de figures humaines et animales. Aujourd’hui encore, les manteaux, tentes, sacoches et tapis richement décorés des nomades afghans témoignent du raffinement d’un procédé bien connu en Asie centrale. D’autre part, on a trouvé en Norvège des fragments de feutre datant du Vème siècle après JC qui attestent l’existence d’une importante tradition de feutrage en Scandinavie.

Le principe du feutrage – Un examen au microscope montre que chaque fibre de laine est fortement ondulée et que sa surface se compose d’écailles qui se dressent lorsqu’elles sont humides. Si on frotte les fibres les unes contre les autres, elles se froissent et, en raison de leur structure crépue, s’entremêlent ; les écailles dressées s’agrippent alors inextricablement les unes aux autres. Ce processus est accéléré par des températures relativement élevées (eau à environ 60 °) et par l’emploi de produits tels que le savon, la soude ou l’acide. Les divers types de laine présentent des différences dans leur taux de feutrage ; les plus performantes à cet égard proviennent des moutons de Nouvelle-Zélande. Malgré ces variations, le taux de feutrage de la laine de mouton est si élevé qu’il est possible d’y incorporer des matières non feutrables – lin, soie, coton, fibres artificielles ou synthétiques – pour en abaisser le prix de revient. Cependant, cet apport, qui modifie sensiblement la qualité, ne doit pas dépasser 60 % du total, au risque de rendre l’étoffe fragile et lâche.

On peut utiliser certaines autres toisons animales – poils de chameau, chèvre ou lapin, par exemple – pour en faire du « feutre de poil » de qualité variable, principalement employé en chapellerie. Le taux de feutrage de ces fibres étant nettement moins important que celui de la laine, on a coutume de faciliter le processus avec des opérations mécaniques et des produits chimiques, de sorte que ce type de produit est difficile à obtenir artisanalement.

La fabrication du feutre – Après l’élimination des particules végétales, les fibres sont soigneusement mélangées et cardées. Elles sont réparties régulièrement et superposées à angle droit en surfaces places ou sur des moules (chapellerie). On procède ensuite à un pressage humide avec addition de savon, ce qui provoque un agglutinage déjà solide des fibres. Le foulage, traitement mécanique intensif, combiné à un traitement chimique approprié, va permettre de les resserrer encore. Il peut être alcalin ou acide, cette dernière formule étant la plus fréquemment employée car elle provoque un resserrement des fibres plus rapide. Un foulage trop long, trop chaud ou trop alcalin risque de dégrader la laine. L’étape suivante est le lavage suivi des finitions éventuelles : brossage, tondage, ponçage, décatissage et teinture.

Les caractéristique principales du feutre – structure, élasticité de pression, solidité et stabilité formelle – peuvent être modulées au cours de la fabrication, selon l’emploi auquel on le destine : industrie (emballages, filtres, disques abrasifs, polissoirs, marteaux de piano) ou habillement (chapeaux, chaussures et chaussons, semelles, entoilages, vêtements). La feutrine, feutre léger et teint, sert en ameublement et en décoration ; on l’utilise avec profit en application car elle ne s’effiloche pas.

Source : « Autour du fil, l’encyclopédie des arts textiles », Editions Fogtdal, Paris, 1990, volume 10.