La broderie au Maroc

Le Maroc a toujours eu un énorme pouvoir d'attraction sur ses visiteurs : le paysage, les coutumes, la musique et, surtout, l'artisanat, dont la broderie est une des techniques la plus traditionnelle.

La broderie est un art traditionnel ancré dans la culture populaire marocaine. Un art aux dimensions économiques, sociales et culturelles multiples. C'est que la broderie est aussi un prétexte pour tisser des liens, des amitiés, voir des complicités entre des femmes et jeunes filles solitaires qui y trouvent un moyen de s'en sortir et d'améliorer leur situation.

Si la broderie était considérée autrefois une base incontournable de l'éducation des fille des riches, beaucoup de filles la pratiquent aujourd'hui faute de pouvoir suivre ou poursuivre leurs études à l'école. Elles s'engagent dans ce métier pour gagner leur pain.

Les traditions d'autrefois ordonnaient que les jeunes filles ornaient elles-mêmes leurs robes de mariage, marquées par des signes propres et des traces propres à chaque culture et à chaque identité. Aujourd'hui, la jeune fille marocaine orne ses habits remplissant le vide de tissu avec mille et une croix (Ghorza). Les distances sont soigneusement calculées, puisque c'est un art qui refuse toute erreur : un travail minutieux, axé sur la précision. L'oeil veillant arrange les couleurs. Cet art est transmis de mère en fille. Chacune garde les secrets de l'art comme elle garde l'héritage des ancêtres, dans des tiroirs. La valeur de l'oeuvre est associée à la précision et le savoir-faire de l'artiste.

Elle dessine des croquis qui assurent l'errance : c'est le jeu du fil, et brode des formes et des couleurs, elle utilise des couleurs vives : le rouge et le noir, le vert et le jaune. Le dialogue de l'oeil et de l'aiguille fait surgir les secrets de l'âme. Elle brode ses propres histoires à l'aide des chiffres et des symboles.

La peinture ne représente plus les seules possibilités de la modernité, la broderie est une expression culturelle profonde. Bien de désirs naissent sur le blanc du tissu : celle-ci brode un lion, l'autre illustre à travers le cadre en bois une gazelle. Elle brode toutes sortes d'habits (djellaba, voile, robe), sans oublier les pièces d'ameublement (les nappes et napperons et les paravents).

La broderie est, sans doute, une des caractéristiques marquantes de l'artisanat marocain, même si peu diffusée aujourd'hui. Cependant, chaque ville possède sa technique, et le gouvernement actuel, par le biais du Ministère de l'Artisanat, a créé des écoles pour enseigner cet art aux jeunes filles. Les traits caractéristiques de chaque ville sont respectées mais la broderie est aujourd'hui remise à l'ordre du jour, dans des créations plus contemporaines, tout en respectant les traditions.

L'origine de la broderie au Maroc est très ancienne, et il est encore difficile, aujourd'hui, de déterminer à quelle époque celui-ci fut employée pour la première fois. Au début, cet art était utilisé surtout pour orner le livre coranique ottoman, au XIIème siècle, pendant la dynastie des Almohades (1130 - 1258). C'est sous le règne de Yacoub el Mansour (1184 - 1199) que la broderie sera enfin considérée un art et utilisée plus largement sur des vêtements et pièces de décoration. Une école fut mêe créée à Marrakech pour assurer les besoins du Palais et des hauts fonctionnaires.

La broderie continua à être largement utilisée sous la dynastie Mérinide (1258 - 1554), principalement sous le règne de Abou El Hassan (1331 - 1351). C'est cependant le règne des Alaouites, qui débuta en 1664 et dont fait partie l'actuel roi, Mohamed VI, que la broderie pris un vrai essor, et chaque ville trouva ses propres caractéristiques. Ainsi, Fès, Meknès, Salé, Rabat, Tétouan, Azemmour et Marrakech, chacune créa sa propre "école" et la broderie pris vraiment part de la vie de la communauté, utilisée largement encore aujourd'hui surtout sur les costumes destinés aux cérémonies de mariage.

Par ailleurs, le vocabulaire utilisé actuellement dans l'art textile emploie beaucoup de mots d'origine arabe. Par exemple, les sacs de maroquin, ou, quand on parle d'étoffes, les cotonnades, les mousselines, le mohair, le satin, le taffetas, la moire, le damas... Et, quand on parle de couleurs, le jaune safran, le lilas, l'orange et le cramoisi.

Chaque région, voire chaque ville, a son propre style qu'elle a toujours su conserver jalousement : le tapis du Haut Atlas diffère de celui du Haouz par ses dimensions, sa chromie et l'agencement de ses motifs. De même, la broderie de Salé et celle de Rabat ont leurs particularités propres, et pourtant ces deux lieux de production ne sont séparéés que par le fleuve Bou Regreg. La seconde caractéristique est la continuité. En effet, si l'on considère la production actuelle de cuirs ouvragés au Sahara, elle n'est guère différente, en ce qui concerne les matériaux (le support, les pigments), la technique et l'esthétique, de celle qui remonte à plusieurs milliers d'années.

Fondamentalement, le matériel utilisé est le même au nord du Maroc comme à son extrême sud, à l'est comme à l'ouest. C'est la broderie qui y figure qui offre à l'observateur, la touche de chaque région, et son cachet propre. Tout se passe comme si chaque région du pays tient à exhiber fièrement son apport particulier, à mettre en valeur le talent et le doigté de ses femmes. Chaque région souhaite, par son ancrage local, frapper de son sceau, cette broderie nationale, qui se trouve être en fin de compte, une oeuvre commune.

La broderie au Maroc n'est rien d'autre que cet usage infini de savants décors qui entourent les personnes de la naissance jusqu'à la mort. Sur le voile protecteur recouvrant le berceau du nouveau-né, sur les pièces d'ameublement, les coussins recouverts de soie ou de brocarts savamment éparpillés au-dessus d'un divan ou à même le sol, sur le voile de la mariée, sur les nappes et napperons, sur les grands rideaux suspendus aux portes des maisons, sur le catafalque qui recouvrira le corps jusqu'au bout de l'éternité.

Comme la géographie du pays qui le fait vivre depuis si longtemps, cet art ignore l'uniformité. A l'appréhender dans ses infinies facettes, dans ses étonnantes diversités, il nous surprend toujours, nous interpelle et entraîne tour à tour à Fès la séculaire, à Rabat la phénicienne, à Tétouan l'andalouse, à Meknès la berbère ou à Oujda l'orientale. De coton, de lin ou de mousseline blanche, les coussins et housses "rbatis", à l'image de ses jardins fleuris, ne sont que polychromie, luxuriance et gaieté.

Au Maroc, la broderie est réservée aux femmes qui travaillent sur du coton, du lin, de la soie ou de l'étamine de laine, mais aussi sur de la popeline et même sur du nylon. Elles travaillent par petits groupes de femmes et filles d'artisans ou de petits commerçants souvent apparentés. Elles immobilisent la partie qu'elles sont en train de broder dans des cadres en bois vissés.

Salé

A Salé (situé à quelque kilomètres de Rabat), avec la broderie "de Rabat", on travaille toujours la somptueuse broderie "de Salé" au point de croix, serré, couvrant de très grandes surfaces. Les brodeuses exécutent au point de croix toutes sortes de nappes, napperons, services de table, oreillers, couvre-lits, draps, chemises, robes de mariées, robes de caftans... avec des motifs géométriques d'inspiration berbère, ou copiés de modèles étrangers, proches du travail traditionnel.

Beaucoup vont à l'école de couture de Rabat apprendre la broderie à la machine. Le résultat est beaucoup moins raffiné, mais fait apparaître de nouveaux motifs : des bouquets, des oiseaux, des papillons... Les coopératives de Rabat et de Salé encouragent les jeunes filles à apprendre ce métier pour leur permettre de rester chez elles tout en gagnant un peu d'argent.

Fès

La ville de Fès a toujours été connue pour la finesse et la beauté de ces broderies; et le bleu y est omniprésent. Les références des objets décoratifs sont représentées par des illustrations animales : cigognes, oiseaux... et celle d'Azmour arborent les lions comme objets décoratifs.

Les broderies dans d'autres régions du Maroc sont inspirées par les aspects de la nature (arbre, fleurs,..). On trouve aussi dans certaines régions du nord des formes géométriques : triangle, carré, cercle, inspirées certainement par la broderie occidentale (tarz aleuj). Et, selon certains chercheurs, la broderie a été introduite en Andalousie lors de l'existence arabe en Espagne. La légende ajoute que Zeriab Al Maouesseli, l'illustre musicien persan, était le premier descendant arabe qui a transmis cet art à Cordoue.

Les créations inspirées du Maroc